Voici quelques vers libre improvisés après une rencontre impromptue avec un cheval de manège chez un antiquaire qui s’appelle Homestead Antique Mall. Voici leur page Facebook si vous souhaitez découvrir les trésors qu’ils reçoivent toutes les semaines. J’aime me promener parmi les étalages et imaginer ce que ces objets diraient s’ils pouvaient parler.
Ce cheval qui s'achève Je suis né dans les montagnes du Tennessee. Les pieds dans la brume, la tête dans les nuages, C’est là où j’ai grandi. Quand la brise balayait le ciel, il s’étendait à l’infini. Un ciel propre, un ciel pur, Que les avions ne gâchaient pas encore de leurs rayures. On m’a réveillé un beau matin à coup de hache. Je me suis retrouvé dans un camion, à suffoquer sous une bâche. Alors que sous mon ventre, les kilomètres défilaient, je me suis demandé : Allais-je construire un foyer ou bien le réchauffer ? Allais-je finir en table de salon, en horloge ou en violon ? Allais-je porter la tête d’un chevreuil, ou bien pire encore servir de cercueil ? On me dépose aux pieds des rocheuses. Si mes montagnes étaient jolies, celles-ci sont majestueuses. Derrière les vitres de givre nappées, Se découpent leurs pics enneigés. Sagement stocké dans l’échoppe d’un menuisier, J’attends patiemment le sort qu’il va me réserver. Et puis mon tour arrive enfin. Un jour, il me préfère aux planches de sapin. De lamelles en copeaux, voilà que se dessine un sabot. Une bonne couche au pinceau, et je rejoins les autres animaux. Sur le manège, je prends ma place. Entre un éléphant et une girafe. Et je tourne, et je tourne, et je tourne. De la neige aux premiers bourgeons, Quand les feuilles tombent et jusqu’aux premiers flocons. Et je tourne, et je tourne, crinière au vent, Accrochés à mon cou, de tout petits enfants. Leurs grands cris de joie se gravant à jamais dans mon bois. Et je tourne, et je tourne, crinière au vent, Dans ma foulée, j’emmène des retraités, des futurs mariés. Des gens heureux, Des gens qui pleurent, Des nostalgiques à la poursuite du bonheur. Et je tourne, et je tourne, et je tourne, Le temps creuse des sillons sur les joues des enfants, Le temps colore leur chevelure de fils blancs. Le temps passe et le manège est fatigué. Le temps passe et les beaux jours sont fanés. Le temps passe et ma peinture s’écaille. Et puis un beau matin, la musique déraille. Dans un grand bruit de fer et d’armistice, Le manège s’arrête, à cours d’artifices. Les haches et les marteaux nous démantèlent, Quand une dame les interpelle. Donnez-moi celui-là ! exige-t-elle, posant sa canne sur ma crinière. Il est comme moi, vieux et fatigué, mais il est encore fier. Installé dans un salon, en compagnie hétéroclite, Un vieux chat qui dort et un feu qui crépite. Je me rappelle les matins roses de printemps. Je me rappelle la joie des enfants. Assise dans son fauteuil, flattant mon encolure, Elle me raconte sa vie, ses joies et ses brûlures. Jusqu’à ce que ses jambes refusent de la porter. Jusqu’à ce qu’elle n’ait plus envie de manger. Jusqu’à ce que ses paupières restent fermées. La maison est maintenant remplie d’étrangers. Sur chaque objet, il y a un ticket. Et je regarde les morceaux de sa vie s’envoler. Et puis mon tour arrive enfin. Une jeune femme décide de m’acquérir. J’ai hâte d’entendre ses enfants rire, Et avec elle de partager Tous les secrets qu’on m’a confiés. Mais voyez-vous, je me suis trompé. Me voilà en situation précaire, Non pas dans son salon, mais chez un antiquaire. Calé contre le mur, entre un miroir et une paire de chaussures, Je périclite dans l’air qui sent l’hier et les moisissures Un jour, ils laisseront la porte ouverte, Et j’attendrai qu’ils détournent la tête, Pour m’enfuir et faire voler ma crinière au vent, Et une dernière fois, faire rire les enfants. Fern Cristo
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